Le mot laïcité met mal à l’aise les conservateurs, islamistes en particulier, mais il irrite aussi d’autres qui jugent intempestif le débat autour d’un tel sujet. Le Maroc actuel a, selon eux, des défis plus importants à relever. Il reste que la question de la laïcité de l’Etat est de plus en plus soulevée et débattue ces dernières années. La question s’était même posée au sein de la commission chargée de la préparation de la Constitution de juillet 2011, et si ce n’était la pression exercée par les islamistes du PJD, le Maroc aurait constitutionnalisé la «liberté de conscience», un jalon vers la neutralité de l’Etat par rapport au fait religieux. Ce même PJD, actuellement au pouvoir, ne cite-t-il pas lui-même la Turquie, un pays à population majoritairement musulmane (99% des Turcs sont issus d’une famille musulmane), comme un modèle de démocratie, de modernité et de développement économique et social ? Or, ce pays se proclame depuis la Constitution du 10 décembre 1937 comme «un Etat laïc et réformateur» (voir encadré), et le préambule de son actuelle Constitution proclame clairement que «conformément au principe de la laïcité, les sentiments religieux, éminemment sacrés, ne doivent pas interférer avec les affaires de l’Etat et la politique» (voir encadré). La Turquie est donc un exemple à suivre, selon les islamistes marocains, sauf en matière de séparation du religieux, du politique et de garantie de la liberté de conscience. Dans un entretien accordé à La Vie éco (voir article), à la veille des dernières élections législatives, Lahcen Daoudi, secrétaire adjoint du PJD (ministre actuel de l’enseignement supérieur), à la question de savoir si la laïcité au Maroc, comme en Turquie, est possible, a répondu : «Je ne suis pas contre un Etat laïc. Encore faut-il savoir qui va gérer la chose religieuse si l’on instaure la laïcité, nous n’avons pas un pape comme en Europe, ou un clergé comme les chiites pour gérer le fait religieux. Qui va le faire au Maroc ? Les partis politiques ? Les extrémistes religieux ? La laïcité est incompatible avec la commanderie des croyants, elle n’est pas possible au Maroc».
Expliquons d’abord ce que signifie être laïc, pour lever toute ambiguïté. La laïcité, contrairement à quelques idées reçues, n’est pas synonyme d’athéisme ni de rejet des religions, bien au contraire, c’est une organisation de la société qui permet plutôt de prendre en compte la diversité des hommes et la nécessité de les unir pour assurer leur coexistence, au delà de leurs opinions politiques et leur appartenance religieuse. Le Français Henri Pena-Ruiz, spécialiste de la sociologie des religions, écrit (dans Histoire de la laïcité : genèse d’un idéal, 2005, Biblio OC) que cette unité dans la diversité des hommes que permet la laïcité, «elle le fait en conjuguant la liberté de conscience, qui permet aux options spirituelles de s’affirmer sans s’imposer, l’égalité de droits de tous les hommes sans distinction d’option spirituelle, et la définition d’une loi commune à tous visant le seul intérêt général, universellement partageable (…). La laïcité, c’est la liberté de conscience liée à l’égalité de traitement de celui qui croit au Ciel et de celui qui n’y croit pas». Pour le philosophe et militant associatif amazigh, Ahmed Assid, qui a beaucoup travaillé sur le sujet et qui s’apprête à publier un nouvel ouvrage intitulé Moderniser l’islam et non pas islamiser la modernité (Tahdith al aslama la aslamate al hadatha), être laïc, «c’est d’abord respecter l’autre tel qu’il est, et reconnaître son droit à la différence, et considérer que l’Etat n’a pas à imposer une religion à la société, ou à surveiller la conscience des individus. La religion est un choix personnel, libre, conscient et responsable. Donc un laïc n’est pas forcément athée, c’est quelqu’un qui respecte toutes les religions et les considère égales l’une à l’autre» (voir article). Cela dit, au Maroc, comme en Turquie, même si l’écrasante majorité de la population est née musulmane, tous les Marocains, soi-disant musulmans, sont-ils pratiquants ? Sont-ils tous sunnites ? Sont-ils tous croyants ? Un Marocain musulman a-t-il le droit de changer de religion ? Un Musulman sunnite au Maroc a-t-il le droit, sans crainte de représailles, de se convertir au chiisme ? Ou même de se proclamer athée ? Des questions qui méritent d’être posées, dans un contexte arabe où l’on revendique de plus en plus de liberté et d’émancipation.
Expliquons d’abord ce que signifie être laïc, pour lever toute ambiguïté. La laïcité, contrairement à quelques idées reçues, n’est pas synonyme d’athéisme ni de rejet des religions, bien au contraire, c’est une organisation de la société qui permet plutôt de prendre en compte la diversité des hommes et la nécessité de les unir pour assurer leur coexistence, au delà de leurs opinions politiques et leur appartenance religieuse. Le Français Henri Pena-Ruiz, spécialiste de la sociologie des religions, écrit (dans Histoire de la laïcité : genèse d’un idéal, 2005, Biblio OC) que cette unité dans la diversité des hommes que permet la laïcité, «elle le fait en conjuguant la liberté de conscience, qui permet aux options spirituelles de s’affirmer sans s’imposer, l’égalité de droits de tous les hommes sans distinction d’option spirituelle, et la définition d’une loi commune à tous visant le seul intérêt général, universellement partageable (…). La laïcité, c’est la liberté de conscience liée à l’égalité de traitement de celui qui croit au Ciel et de celui qui n’y croit pas». Pour le philosophe et militant associatif amazigh, Ahmed Assid, qui a beaucoup travaillé sur le sujet et qui s’apprête à publier un nouvel ouvrage intitulé Moderniser l’islam et non pas islamiser la modernité (Tahdith al aslama la aslamate al hadatha), être laïc, «c’est d’abord respecter l’autre tel qu’il est, et reconnaître son droit à la différence, et considérer que l’Etat n’a pas à imposer une religion à la société, ou à surveiller la conscience des individus. La religion est un choix personnel, libre, conscient et responsable. Donc un laïc n’est pas forcément athée, c’est quelqu’un qui respecte toutes les religions et les considère égales l’une à l’autre» (voir article). Cela dit, au Maroc, comme en Turquie, même si l’écrasante majorité de la population est née musulmane, tous les Marocains, soi-disant musulmans, sont-ils pratiquants ? Sont-ils tous sunnites ? Sont-ils tous croyants ? Un Marocain musulman a-t-il le droit de changer de religion ? Un Musulman sunnite au Maroc a-t-il le droit, sans crainte de représailles, de se convertir au chiisme ? Ou même de se proclamer athée ? Des questions qui méritent d’être posées, dans un contexte arabe où l’on revendique de plus en plus de liberté et d’émancipation.