Harcèlement scolaire : Les bancs de la violence
VIOLENCE . Au moment où l’Unicef présente, le 29 mars 2011, un rapport alarmant sur la violence et les types de harcèlement physique et moral dans les établissements scolaires, au Maroc, élèves et étudiants souffrent tous les jours en silence.
En dehors d’une étude réalisée en 2002 par l’Ecole supérieure de Psychologie de Casablanca, avec un comité de pilotage réunissant plusieurs départements ministériels et l’UNICEF sous la présidence du ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique, il n’y a presque aucun travail de terrain qui est fait pour rendre compte de la violence et du harcèlement dans les écoles marocaines. Pourtant, les témoignages et les histoires vécues par de très nombreuses familles font état d’une catastrophe qui touche une grande majorité d’élèves et d’étudiants marocains. Samira B.
est mère de trois enfants. Ses deux garçons et sa fille ont fait les frais d’enseignants et d’instituteurs qui n’ont d’autre argument pédagogique que les coups, les gifles, les crachats et les injures. «Saïd, mon fils aîné de 14 ans, est arrivé à la maison avec un oeil au beurre noir.
Il m’a expliqué que l’enseignant l’a passé à tabac devant toute la classe. Mon fils n’avait pas bien récité le Coran, mais ce n’est pas une raison pour recevoir des coups». La soeur, Souad, âgé de 10 ans, a, elle aussi, été tabassée à plusieurs reprises par ses deux enseignants, un homme et une femme, qui «frappent tout le monde, sur le visage, avec des tuyaux…». La mère raconte que le père, très remonté, en est venu à s’expliquer avec l’un des enseignants qui lui a dit: «Vos enfants sont des bêtes qui méritent l’abattoir».
Coups et viols Ce n’est un secret pour personne. Qui n’a pas été confronté à des coups, plus ou moins dangereux à l’école marocaine? Pas seulement dans les classes, mais aussi dans les directions, où certains responsables d’établissements scolaires prennent un malin plaisir à infliger des corrections aux élèves. L’école change alors de visage.
Elle devient un ring, un lieu de torture et «on s’étonne que de nombreux élèves ne veulent plus aller à l’école», assène une enseignante révulsée par les pratiques violentes dont elle est le témoin chaque jour dans une école à Sidi Moumen. Et les chiffres de cette étude de l’Ecole supérieure de Psychologie de Casablanca confirme les dires de ces parents et enfants en butte à une situation implacable.
En effet, les châtiments corporels, bien qu’interdits par les lois marocaines, sont largement pratiqués dans plusieurs écoles, collèges et lycées au Maroc. 87% des enfants interrogés disent avoir été frappés. 60% l’ont été avec des règles, des bâtons et des tuyaux. Et 73% des enseignants avouent avoir frappé des écoliers et des étudiants. Des abus sexuel ont été enregistrés aussi.
D’ailleurs ce type d’affaires ont fait la Une de plusieurs tabloïdes et magazines marocains où des filles ont été violées et violentées par leurs professeurs. «Plusieurs amies ont été obligées de coucher avec des professeurs, raconte Lamia. C’est du chantage: ou tu vas avec le prof ou il te colle une très mauvaise note et tu rates l’année.»
Confirmation faite par de très nombreuses filles, qui ont, toutes, été amenés à gérer la peur, la honte dans le silence le plus absolu. Sévices moraux Mais la violence n’est pas uniquement physique. Elle est aussi morale et psychologique. Par exemple, en milieu rural, des milliers d’élèves ont une sainte peur de leurs instituteurs qui les obligent à les fournir en produits alimentaires: oeufs, pain, huile d’olive, miel, beurre, poulets, couscous, fruits et légumes. L’école devient un souk quotidien où l’enseignant fait ses emplettes en toute impunité.
Et comme il profite de l’ignorance des gens et jouit d’une aura qui n’est pas justifiée, les parents s’exécutent et ne parlent pas. Le maître d’école, qui doit administrer des cours, véhiculer du savoir, se transmue en un criminel qui rackette les enfants et leurs familles. L’omerta du silence Pire, l’école peut aussi devenir un terrain de jeu très fertile pour les harcèlements moraux: insultes racistes à l’encontre de certains élèves noirs. Des injures servies au quotidien à d’autres enfants souffrant d’obésité ou de certains handicaps physiques. La cour de récréation ressemble alors à un champ de bataille où c’est le plus fort qui mène la barque. Qui peut alors sauver les autres enfants opprimés, insultés, brimés, stigmatisés? Personne.
Et quand on a le malheur d’aller se plaindre à la direction, on est souvent malmené, insulté voire frappé. Il y a aussi tous les problèmes liés à la drogue et à la cigarette. Des dealers à la petite semaine font leur commerce tout près de plusieurs établissements scolaires. Ils font la loi et sévissent. Et pour fourguer leur camelote, ils n’hésitent pas à menacer les filles et les garçons, leurs piquer leurs cartables et leurs affaires.
«Mon fils est arrivé à la maison sans ses espadrilles. Il nous a raconté qu’il jouait au foot devant le collège et quelqu’un les lui a volées. Faux, on a appris après qu’un type plus âgé que lui rôdait devant l’établissement et rackettait les enfants. Mon fils n’était ni la première ni la dernière victime. Il a fallu porter plainte devant la police, parce que quand on a été voir le directeur, il nous a répondu que cela se passait en dehors des murs de son collège et qu’il ne pouvait rien faire».
Un clavaire au jour le jour, souvent vécu par de nombreux enfants dans le silence absolu, car les mômes ont peur de leurs parents, des profs, des autres élèves plus forts ou plus âgés. Alors les conséquences psychologiques sont souvent graves et irréversibles.
VIOLENCE . Au moment où l’Unicef présente, le 29 mars 2011, un rapport alarmant sur la violence et les types de harcèlement physique et moral dans les établissements scolaires, au Maroc, élèves et étudiants souffrent tous les jours en silence.
En dehors d’une étude réalisée en 2002 par l’Ecole supérieure de Psychologie de Casablanca, avec un comité de pilotage réunissant plusieurs départements ministériels et l’UNICEF sous la présidence du ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique, il n’y a presque aucun travail de terrain qui est fait pour rendre compte de la violence et du harcèlement dans les écoles marocaines. Pourtant, les témoignages et les histoires vécues par de très nombreuses familles font état d’une catastrophe qui touche une grande majorité d’élèves et d’étudiants marocains. Samira B.
est mère de trois enfants. Ses deux garçons et sa fille ont fait les frais d’enseignants et d’instituteurs qui n’ont d’autre argument pédagogique que les coups, les gifles, les crachats et les injures. «Saïd, mon fils aîné de 14 ans, est arrivé à la maison avec un oeil au beurre noir.
Il m’a expliqué que l’enseignant l’a passé à tabac devant toute la classe. Mon fils n’avait pas bien récité le Coran, mais ce n’est pas une raison pour recevoir des coups». La soeur, Souad, âgé de 10 ans, a, elle aussi, été tabassée à plusieurs reprises par ses deux enseignants, un homme et une femme, qui «frappent tout le monde, sur le visage, avec des tuyaux…». La mère raconte que le père, très remonté, en est venu à s’expliquer avec l’un des enseignants qui lui a dit: «Vos enfants sont des bêtes qui méritent l’abattoir».
Coups et viols Ce n’est un secret pour personne. Qui n’a pas été confronté à des coups, plus ou moins dangereux à l’école marocaine? Pas seulement dans les classes, mais aussi dans les directions, où certains responsables d’établissements scolaires prennent un malin plaisir à infliger des corrections aux élèves. L’école change alors de visage.
Elle devient un ring, un lieu de torture et «on s’étonne que de nombreux élèves ne veulent plus aller à l’école», assène une enseignante révulsée par les pratiques violentes dont elle est le témoin chaque jour dans une école à Sidi Moumen. Et les chiffres de cette étude de l’Ecole supérieure de Psychologie de Casablanca confirme les dires de ces parents et enfants en butte à une situation implacable.
En effet, les châtiments corporels, bien qu’interdits par les lois marocaines, sont largement pratiqués dans plusieurs écoles, collèges et lycées au Maroc. 87% des enfants interrogés disent avoir été frappés. 60% l’ont été avec des règles, des bâtons et des tuyaux. Et 73% des enseignants avouent avoir frappé des écoliers et des étudiants. Des abus sexuel ont été enregistrés aussi.
D’ailleurs ce type d’affaires ont fait la Une de plusieurs tabloïdes et magazines marocains où des filles ont été violées et violentées par leurs professeurs. «Plusieurs amies ont été obligées de coucher avec des professeurs, raconte Lamia. C’est du chantage: ou tu vas avec le prof ou il te colle une très mauvaise note et tu rates l’année.»
Confirmation faite par de très nombreuses filles, qui ont, toutes, été amenés à gérer la peur, la honte dans le silence le plus absolu. Sévices moraux Mais la violence n’est pas uniquement physique. Elle est aussi morale et psychologique. Par exemple, en milieu rural, des milliers d’élèves ont une sainte peur de leurs instituteurs qui les obligent à les fournir en produits alimentaires: oeufs, pain, huile d’olive, miel, beurre, poulets, couscous, fruits et légumes. L’école devient un souk quotidien où l’enseignant fait ses emplettes en toute impunité.
Et comme il profite de l’ignorance des gens et jouit d’une aura qui n’est pas justifiée, les parents s’exécutent et ne parlent pas. Le maître d’école, qui doit administrer des cours, véhiculer du savoir, se transmue en un criminel qui rackette les enfants et leurs familles. L’omerta du silence Pire, l’école peut aussi devenir un terrain de jeu très fertile pour les harcèlements moraux: insultes racistes à l’encontre de certains élèves noirs. Des injures servies au quotidien à d’autres enfants souffrant d’obésité ou de certains handicaps physiques. La cour de récréation ressemble alors à un champ de bataille où c’est le plus fort qui mène la barque. Qui peut alors sauver les autres enfants opprimés, insultés, brimés, stigmatisés? Personne.
Et quand on a le malheur d’aller se plaindre à la direction, on est souvent malmené, insulté voire frappé. Il y a aussi tous les problèmes liés à la drogue et à la cigarette. Des dealers à la petite semaine font leur commerce tout près de plusieurs établissements scolaires. Ils font la loi et sévissent. Et pour fourguer leur camelote, ils n’hésitent pas à menacer les filles et les garçons, leurs piquer leurs cartables et leurs affaires.
«Mon fils est arrivé à la maison sans ses espadrilles. Il nous a raconté qu’il jouait au foot devant le collège et quelqu’un les lui a volées. Faux, on a appris après qu’un type plus âgé que lui rôdait devant l’établissement et rackettait les enfants. Mon fils n’était ni la première ni la dernière victime. Il a fallu porter plainte devant la police, parce que quand on a été voir le directeur, il nous a répondu que cela se passait en dehors des murs de son collège et qu’il ne pouvait rien faire».
Un clavaire au jour le jour, souvent vécu par de nombreux enfants dans le silence absolu, car les mômes ont peur de leurs parents, des profs, des autres élèves plus forts ou plus âgés. Alors les conséquences psychologiques sont souvent graves et irréversibles.